Les enfants auront beau faire, ils ne pourront pas y couper. Les peurs, les angoisses, les cauchemars, aussi désagréables soient-ils, aident à grandir. Alors, puisqu’il faut y aller… autant s’équiper correctement. Libération vous conseille aujourd’hui trois albums qui permettront aux plus jeunes de faire la paix avec leurs fantasmes effrayants. Et pourquoi pas même, de sympathiser.
Le classique : «Il y a un cauchemar dans mon placard»
Plus d’un demi-siècle qu’Il y a un cauchemar dans mon placard accompagne les enfants. Mais est-ce une raison suffisante pour le remiser ? Certainement pas ! D’autant que Gallimard jeunesse a récemment sorti une nouvelle édition de cet album aux illustrations désuètes – du saumon pastel et du vert hachuré, une lampe de chevet à chaînette et une carabine à bouchon – qui traverse les générations sans embûches.
On y rencontre un petit garçon en grenouillère qui ferme chaque soir soigneusement la porte de son placard pour y enfermer son cauchemar, retournant se cacher sous ses couvertures la peur au ventre. Mais une nuit de pleine lune, il prend une décision : le cauchemar, il va l’attendre de pied ferme. Et le combattre. Casque sur la tête, fusil en main et canon ostensiblement posé sur son lit, il est prêt. Il tire ! Et le cauchemar… fond en larmes.
L’histoire est mignonne comme tout, cerne parfaitement l’enjeu de ce fameux monstre du placard pour un marmot haut comme trois pommes et manie l’humour avec douceur. Le cauchemar est cauchemardesque – édenté, fripé, quasi pustuleux –, mais devient très vite un gros doudou en quête de réconfort. Une jolie façon de reprendre le dessus sur ses peurs. Et de leur tendre les bras.
Mercer Mayer, Il y a un cauchemar dans mon placard, Gallimard jeunesse, 32 pp., 15,90 €. A partir de 3 ans.
Le graphique : «Peurs du soir»
C’est l’heure d’aller au lit. De toute façon, on ne peut pas le louper, c’est écrit en géant. Point d’enfant à l’image cette fois, la scène se passe à travers ses yeux. Avant de rejoindre Morphée, le rituel est immuable : vérifier les issues de secours, dégager les cachettes, disséminer des obstacles. Reste qu’une fois la lumière éteinte, malgré ces précautions, le trouillomètre grimpe vite. C’est quoi cette silhouette ?? Une araignée ? Une horde d’araignées ? Une araignée géante ? Vite, rallumons ! Ah non, ce n’était rien. Rien qu’un imaginaire un peu trop fertile. Eteignons. Et maintenant, c’est quoi cette ombre ?? Vite, se cacher sous la couette. Mince, plus moyen de surveiller maintenant. Et si un ogre se tenait juste au-dessus ?
Peurs du soir nous plonge dans l’esprit d’un enfant au moment du coucher, dont la chambre n’est éclairée que par la lumière du couloir, faisceau suffisant pour se figurer bien des formes terrifiantes. L’univers est très graphique, les volumes anguleux et en 2D régulièrement enrichis d’éléments dynamiques, ronds, presque vivants, qui ajoutent à l’angoisse du moment. Jusqu’à l’apothéose de l’endormissement…
Laurie Agusti, Peurs du soir, La Partie, 40 pp., 18 €. A partir de 4 ans.
Le convivial : «Bonne nuit les monstres !»
Deux ans qu’on s’en veut de ne pas avoir parlé de Bonne nuit les monstres ! au moment de sa sortie. Alors la parution en 2024 des deux albums précédents est le prétexte parfait pour un repêchage. Noé n’a pas peur de faire des cauchemars. Mais la réalité est là : les monstres nocturnes peuplent sa chambre. Le loup, d’abord. Tapi sous le lit, il pleure à gros bouillons parce qu’il n’y a pas eu d’histoire, ce soir. Le petit garçon lui laisse alors une petite place à ses côtés et lui fait la lecture, jusqu’à endormissement. Mais voilà que le monstre de l’armoire (qui, au passage, a un splendide brushing) se manifeste : il a envie de faire pipi ! Puis c’est au tour du cauchemar, qui veut un petit verre d’eau. Noé gère tout ce petit monde d’une main de maître. Un peu comme… comme des parents qui devraient affronter les excuses d’enfants refusant de dormir ?
Jolie inversion des rôles dans cet album souple en petit format, avec des monstres qui doivent être rassurés, cajolés, soignés, et un petit garçon pas impressionné pour un sou, propulsé dans le rôle du protecteur. Une sorte d’empowerment version doudou-tétine.