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Libération
Lundi poésie

Clément Bondu, l’augure réalité

Poésiedossier
Le poète, romancier et metteur en scène signe avec «l’Avenir» un recueil en forme d’épopée postapocalyptique dans une «Europe aux yeux tristes» qui dit les maux actuels.
Clément Bondu. (Photomontage Libération/Éditions de la Crypte)
publié le 10 mars 2025 à 10h39

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«Nous étions partis pour de bon / abandonnées les rues que nous connaissions / depuis toujours / les places à l’ombre des cafés, délabrées par la lumière d’août / & nos souvenirs / la ville que nous aimions.» Entrer dans l’Avenir, dernier recueil de Clément Bondu, aux éditions de la Crypte, c’est envisager un voyage halluciné dans une «Europe aux yeux tristes / déesse putréfiée / aux plaies avides, aux lèvres infestées / de mouche». Ce long poème d’anticipation, en forme d’épopée postapocalyptique prend des airs prophétiques, parmi les «souches calcinées», «ruines» et «collines couvertes de ronces». On y suit un groupe d’urbains déplacés depuis la gare d’Austerlitz jusqu’aux plages de Lampedusa, qui rencontrent dans leur exode à travers des «forêts de cendres» les «nouveaux tsiganes».

Traversée dystopique ? L’on pourrait dire qu’il s’agit aussi de la poésie d’un présent écoanxieux : les photographies en noir et blanc qui l’accompagnent sont le reflet nébuleux des maux actuels. L’avenir, c’est aussi une scansion d’abord taillée pour la scène. Le court ouvrage, le troisième recueil du poète, aussi romancier (les Etrangers, chez Allia en 2021), dramaturge (Dévotion, dernière offrande aux dieux morts, à Avignon en 2019), cinéaste et traducteur des Journaux de la poétesse argentine Alejandra Pizarnik, a d’abord été présenté sous la forme d’une «performance musicale et visuelle» entre 2018 et 2019. D’où la musicalité de ce texte aux accents lyriques en vers libre et au tempo hypnotique.

Clément Bondu, l’Avenir, éd. La Crypte, 100 pages, 17 euros.
L’extrait

Autour de nous s’étalaient

des étendues sauvages

vastes comme des océans vidés

où les orties, les chardons & les ronces prospéraient

immenses plaines

pullulant d’insectes fiévreux.


Dans le paysage dévasté

seules les formes des pylônes

& des éoliennes

paraissaient pouvoir nous guider

totems géants trônant ça & là

comme des vestiges hallucinés.