Au début, il y a les têtes rasées de gamins assis dans le froid et l’obscurité d’une salle de bal abandonnée. Un peu plus loin, des petits tas gris, squelettiques, muets, «des enfants qu’on ne pouvait sans doute déjà plus sauver. Au plafond, des amours en plâtre les contemplaient en souriant». Beaucoup plus tard, il y aura l’éblouissement et la splendeur bleue de la mer d’Aral, des plats de riz et des grappes de raisin. Entre les deux, un très long voyage en train, une sorte de railroad-movie dans l’URSS des origines. Convoi pour Samarcande, le troisième roman de l’écrivaine russe Gouzel Iakhina, a pour contexte la famine des années 20 dans le bassin de la Volga, qui a causé 5 millions de morts et touché 40 millions de personnes. Il raconte avec une grâce et une puissance saisissantes le périple quasi mythologique de 500 enfants, un veau, une chienne et des poules. Une arche de Noé tentant d’échapper non pas au déluge, mais à l’indifférence et à la faim.
Le duo chargé de mener le convoi de Kazan à Samarcande (4 000 kilomètres donc), réunit le jeune commandant Deïev, d’un dévouement et d’un courage absolus, et la magnifique et intimidante commissaire Blanche. On découvrira que Deïev, enfant des rues, a failli mourir de faim et que, jeune soldat de l’Armée rouge, il a tué, beaucoup. D’autres personnages, dépeints dans toute leur complexité, sont pris comme eux dans le chaos et l’horreur de cette période. Et pourtant, l’humanité qui se dégage de cette petite sociét