Les lecteurs qui avaient suivi les tribulations du jeune Daniel Cordier, alias Caracalla, engagé à tout juste vingt ans dans les rangs de la France libre, puis devenu secrétaire de Jean Moulin, étaient restés sur leur faim. Le premier tome de ses mémoires s’arrêtait en effet à l’arrestation de son patron, le 21 juin 1943, à Caluire. L’on pouvait à bon droit s’interroger sur le devenir d’un homme qui avait si étroitement associé son destin à l’unificateur de la résistance française. Les souvenirs posthumes (Cordier est mort le 20 novembre 2020) répondent à cette curiosité légitime, tout en étant placés sous le signe de la désillusion.
Le drame de Caluire sonna en effet le chant du cygne pour la Délégation qui, en métropole, représentait le pouvoir gaulliste et fournissait, notamment, ses fonds à la résistance intérieure. De fait, tout alla de mal en pis. Le successeur de Jean Moulin, Claude Bouchinet-Serreulles, multiplia les imprudences, au point que le 25 septembre 1943, la Gestapo surgit dans les bureaux qu’il avait installés rue de la Pompe, provoquant une vague d’arrestations. A l’unisson, le Conseil national de la Résistance (CNR), qui permettait à de Gaulle, par le truchement du même Moulin, d’asseoir son autorité, fut longtemps dépourvu de président ; les hésitations de l’homme du 18 juin permirent alors aux formations résistantes d’imp