A presque trois quarts de siècles, l’une des grandes dames de l’imaginaire français nous envoie encore de ses nouvelles, et c’est tant mieux. Couvées de filles, orné d’une belle couverture de Caza, regroupe seize fictions plus ou moins courtes de Joëlle Wintrebert, échelonnées dans sa production entre 1988 et 2023. A l’exception de «Survivre», inédite, toutes étaient déjà parues dans des revues (Galaxies) ou des recueils (Territoires de l’inquiétude, Noirs scalpels). On y retrouve, en un condensé faisant office de rétrospective, tout l’art et la grâce d’écriture d’une autrice qui, si c’est là qu’elle aime le plus à se plonger, ne se cantonne pas au genre. «Intérim» (2009), qui mêle SDF et trafics d’enfants, relève ainsi de la plus pure littérature noire et «L’été des martinets» (1994) de la romance transgressive.
Fusion extra-humaine
Wintrebert, présente dans une anthologie des années 80 appelée Amazonardes, a toujours été en pointe de ce que l’on a appelé avec parfois un rien de condescendance la «SF féministe». Relativement tôt, elle a mis en scène une société hautement misogyne dans Chromoville (1984), interrogé les frontières de genre dans les Olympiades truquées (1980) et son roman jumeau Bébé-miroir (1988), et envisagé la possibilité de reproduction asexuée dans le Cré