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«Dans l’intimité de l’exil», parenthèse et parentèle

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Un collectif d’historiens montre dans quelle mesure l’exil politique au XIXe siècle est une affaire de famille.
Les Rocker-Witkop, famille d’anarchistes juifs, à Londres. (domaine public/domaine public)
publié le 25 février 2021 à 2h54

Victime des représentations, l’imaginaire collectif associe la figure de l’exilé politique à celle d’un homme seul, arraché à sa patrie et aux siens. Victor Hugo en est encore aujourd’hui l’incarnation. Dix articles de la Revue d’histoire du XIXe siècle – précédés d’une introduction historiographique d’une grande finesse, signée de l’équipe directrice – contredisent cette idée reçue, en pénétrant dans l’intimité des «familles, couples et enfants de la migration contrainte au XIXe siècle», celle notamment des Raspail (J. Barbier), des Ollivier (E. Berthiaud), et des Rocker-Witkop (T.C. Jones).

Certes subi, l’exil est néanmoins une arme aux mains de proscrits qui en font le symbole de l’oppression du pouvoir, refusant parfois l’amnistie. Cette instrumentalisation transforme même leurs obsèques en manifestation militante. Les contributions insistent sur la polysémie du mot «famille» : s’il désigne aussi bien la parentèle que les affiliés à une idéologie ou à un parti, la situation d’exil brouille les frontières qui séparent d’ordinaire ces deux catégories, et gomme ainsi la distinction privé-public. D’une part, tout parent proche doit se positionner sur la mesure d’éloignement, affichant un soutien affectif mais aussi politique. Cette posture resserre les liens familiaux : Hermione Quinet confie même que l’exil est «une île sacrée où elle a Quinet pour elle toute seule». A l’inverse, l’absence de soutien fracture la sphère intime, au prix d’une