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Roman

«Datas sanglantes», les vertiges de l’algorithme

Avec ce deuxième tome de sa trilogie du darknet, le polonais Jakub Szamalek nous entraîne dans les labyrinthes tortueux des fake news et démonte les moteurs de recherche.
Dans son nouveau roman noir, l’auteur polonais Jakub Szamalek nous entraîne dans un décryptage technologique. (Westend61/Getty Images)
par Christine Ferniot
publié le 23 octobre 2023 à 8h30

«Ceci non plus n’est pas un roman de science-fiction…» Reprenant, à quelques mots près, l’avant-propos de son précédent roman, Tu sais qui, premier tome de sa trilogie du darknet, l’auteur polonais Jakub Szamalek poursuit avec Datas sanglantes sa plongée dans les méandres des réseaux. On peut tout à fait lire ce nouveau roman noir addictif sans avoir connaissance du précédent. Les histoires sont indépendantes et si certains personnages, comme la journaliste Julita, sont de retour, le lecteur est directement happé par cette histoire de manipulations aux petits oignons. Mais avec Datas sanglantes, le romancier va plus loin encore dans son décryptage technologique, il se glisse dans les labyrinthes des fake news, démonte les moteurs de recherche et décompose les questionnaires faussement naïfs qui subtilisent les données les plus intimes.

Histoire de grande perversion

Nous sommes en 2018 en Pologne, dans la ville de Minsk Mazowiecki et, dans quelques heures, Hanna va mourir dans le petit salon où elle s’exhibe topless sous le nom de KandyKroosh. Au même moment, Oleg apprend son nouveau métier de «modérateur de contenu». Julita, journaliste d’investigation, reçoit un curieux appel qui la met sur la piste d’Hanna. Et Aneta fait ses débuts de «community manager» pour un ex-footballeur qui se lance dans la politique. La plupart vont risquer leur peau dans cette histoire où le lecteur n’est jamais laissé sur le bord de la route. L’effet est vertigineux comme les algorithmes qui commandent nos vies, nos décisions, nos convictions.

Parfois, on s’imagine avec Matt Damon en train de sprinter dans les hôtels de Las Vegas aux moquettes confortables. Un espion se cache derrière un pylône, un tueur glisse sous les néons. Mais ces moments de courses-poursuites sont là pour concéder une pointe d’humour et de légèreté à cette histoire de grande perversion où personne ne sait plus pourquoi ni comment un homme politique arrive au pouvoir. Toutes ces menaces impalpables donnent un sentiment de vertige et de faiblesse infinis. En attendant pire, dans le troisième volet du darknet que Jakub Szamalek nous promet pour l’année prochaine.

«Datas sanglantes», Jakub Szamalek, traduit du polonais par Kamil Barbarski, éditions Métailié, 450p., 22,50 €.