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Interview

Déborah V. Brosteaux : «Avec la guerre, ce qui est à l’œuvre c’est un art de la mise à distance»

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Mobilisant Walter Benjamin ou Ernst Jünger, la philosophe Déborah V. Brosteaux décrit à la fois notre indifférence ­de la guerre perçue comme lointaine et notre «fascination» pour l’intensité qu’elle suscite.
Déborah V. Brosteaux à la librairie Météores de Bruxelles, le 24 juin 2025 (Sébastien Van Malleghem/Libération)
publié le 25 juin 2025 à 15h58

La guerre en Ukraine a surpris une Europe qui vivait dans l’illusion d’être en paix depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Des conflits auxquels elle prend part se déroulent pourtant depuis longtemps ailleurs, qui semblent ne pas nous affecter. A partir de ce constat, Déborah V. Brosteaux, philosophe de 32 ans, qui enseigne à l’Université libre de Bruxelles, à Sciences Po Lille et Paris-8, a écrit un essai en quatre tableaux qui déploie, en s’appuyant sur des philosophes et des écrivains du XXe siècle, plusieurs aspects de notre rapport à la guerre. Au-delà de cet art de la mettre à distance, elle révèle les affects guerriers qui nous travaillent à notre insu, en particulier une quête d’intensification du vécu héritée des modernes. Une réflexion sur nous et la guerre... de circonstances. Entretien.

Pourquoi vous être intéressée au rapport à la guerre ?

Je me suis rendu compte que c’était une réalité qui me paraissait très éloignée. C’était d’ailleurs assez collectif. En 2016, quand j’ai commencé ce travail, il était peu question de la guerre dans les médias et dans les conversations. C’était étrange ce sentiment d’éloignement. Ce n’était pas comme si nous étions dans un monde en paix. Notre paix européenne était une paix armée, nous étions liés à de nombreuses guerres en cours et nos armées étaient engagées dans des coalitions internationales, avant comme après les attentats de Paris et de Bruxelles.

En quoi est-ce un sujet de philosophie ?

C’es