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«Je vais dire ces choses d’emblée, je suis la méchante de l’histoire, je suis la criminelle, je sors de taule.» La narratrice a tué un de ses deux fils dans un accident de voiture. Elle était ivre, roulant trop vite pour rentrer chez elle après avoir vu son amant. Après une telle tragédie, la prison lui semble légère et quand elle sort, la vie n’a pas de sens, le temps l’indiffère, l’avenir ressemble à un puits sans fond.
Denis Soula donne la parole à cette femme perdue mais aussi à son fils, le survivant, à son ex-mari, qui tient la barre comme il peut. C’est elle qu’on entend d’abord, dans sa solitude, son petit boulot de cuisinière dans un Balto quelconque, n’attendant rien, n’osant pas rêver à des lendemains moins lourds. Un jour, enfin sortie mais en période de probation, elle va croiser son fils. Un autre jour, il viendra la voir au bistrot, les laissant tous les deux, empruntés, maladroits.
Mais le roman de Denis Soula n’est pas une bluette où l’on se tombe dans les bras en effaçant l’ardoise.
Me tenir droite est un diamant. Il tient par les tremblements de cette meurtrière qui ne cherche pas le pardon. Le romancier écrit serré, sans une once de gras, une histoire qui bouleverse comme un petit dessin d’enfant glissé dans la poche d’une mère le matin avant l’école. En citant cette phrase de Françoise Sagan, – «on ne sait jamais ce que le passé nous réserve» –, il accompagne toutes ces vies en miettes, ces tragédies qui laissent orphelins, cette impression de ne plus pouvoir respirer. Il se garde bien de poser un jugement, ajoute un peu de musique, du rock, ou plutôt du Bernard Lavilliers dont la voix ressemble à des cailloux charriés par la rivière. Quelque chose de rugueux, de follement tendre et de légèrement voyou, comme cette femme, la criminelle de l’histoire, celle qui se raccroche et se réchauffe à une poignée de souvenirs mais ne se répand jamais.