Le bel ouvrage de Marie Gautheron entend moins évoquer le désert, au singulier comme au pluriel, que sa représentation au sein des sociétés occidentales. «L’histoire de nos images de déserts est celle d’allers-retours entre Orient et Occident», écrit-elle. C’est aux déserts orientaux de la Bible, lieux d’intense spiritualité, que se réfèrent les chrétiens. Cette association remarquable entre un espace singulier et une spiritualité n’est cependant pas propre au christianisme ou aux religions du Livre. Elle appartient tout autant aux populations des déserts. En langue touareg, le désert (esuf) ne désigne-t-il pas à la fois le lieu inhabité et l’expérience spirituelle solitaire ? L’Europe s’est convertie à la spiritualité du désert oriental en implantant ses monastères aux marges des espaces habités, créant une tradition de «forêt-désert» dans laquelle l’arbre est synonyme d’écart et de barbarie, quand, dans l’Orient désertique, il est symbole de civilisation. Plus tard, les huguenots persécutés par Louis XIV s’inventent leur désert, comme les Hébreux fuyant l’Egypte pour le désert du Sinaï. Les jansénistes ne font pas autrement à Port-Royal des Champs, au cœur de cette vallée de Chevreuse que
Essai
«Désert, déserts» de Marie Gautheron : ermites et légendes
Article réservé aux abonnés
Dans le Sahara, en Libye. (C.Sappa/Bridgeman Images)
publié le 30 juillet 2025 à 15h32
Dans la même rubrique