Une dizaine d’ouvriers grecs et albanais construisent une maison dans la montagne, près de Povla, du côté grec de l’Epire, région transfrontalière entre les deux pays. Le propriétaire est surnommé «l’Emigré», parce qu’il a longtemps travaillé en Allemagne avant de se réinstaller au pays. Pas causant, à part pour discuter ciment, briques et fers à béton, Tsitos évite le village. «Il est grillé par ici», a dit le cafetier de Povla au Corfiote, le beau-frère du maître d’œuvre. On saura plus tard pourquoi. Dieu leur dit, deuxième roman traduit de l’écrivain grec Sotiris Dimitriou après Heureux soit ton nom (2022), a la même langue, un parler rural de ce coin de la Grèce, que la traductrice Marie-Cécile Fauvin s’est appliqué à restituer en jouant avec «les possibilités expressives» de celui des campagnes du sud-est du Massif central qu’elle avait entendu enfant. Il plonge immédiatement dans cette société d’hommes affairés et réunis par les circonstances, perturbée par un contrôle de police, le passage de visiteurs et un trio de musiciens gitans. Le chantier joue comme une scène de théâtre, animée par les récits des différents personnages et leurs chants traditionnels. Les verres de gnôle de Povla circulent, les langues se délient, on se remémore l’avant (sa jeunesse et l’espoir d’une vie meilleure) et l’après (la mondialisation), l’ici et là-bas (Grèce et Albanie).
Chacun y va de son histoire. Rigolard et bavard, Milhos, 65 ans, relate avoir été empriso