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Libération
Roman

«D’une rive à l’autre», de Dima Abdallah : overdoses de thym

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Un narrateur sur le fil à travers lequel coule la poésie de l’autrice.
Dima Abdallah. (Sophie Bassouls)
publié le 29 juin 2025 à 13h00

Un adolescent lit le dictionnaire à l’abri dans sa chambre. Très souvent, il lit et relit la définition de «Grâce». A force, son livre a fini par s’ouvrir naturellement à cette page. «3 - agrément, charme indéfinissable d’un être aimé, de son comportement.» Le mot «indéfinissable» le laisse rêveur. «Le dictionnaire, qui a été créé pour nous donner la définition de chaque mot de la langue française, dit “indéfinissable”. Il dépose les armes. Ce que Layla incarne ne peut être contenu dans une dizaine de mots.» Le narrateur éprouve de l’amour pour Layla depuis leurs jeux d’enfants avec Elias. Elias et lui sont toujours inséparables. Son ami aime danser, écouter la Supplique de Brassens et veut devenir boulanger à Sète. Lui se met à emprunter des recueils de poésie et rêve de partir un jour avec Layla qu’il regarde de loin sans oser l’aborder. Derrière la porte, sa mère pleure et marmonne en traînant les pieds, boitant, d’une pièce à l’autre. Quand la voisine Aida vient faire des galettes, elle ressasse le passé, avec d’autres mots que les siens. «Guerre civile. Milicien. Exil. Amour fou. Possédé. Démon. Hôpital. Coma. Handicapée. Et des milliers d’autres mots qui cognent quand ils décident de cogner.»

Le dialogue entre mère et fils n’existe pas. Le silence hante leur vie, ceux qui parlent beaucoup les consolent. Lui garde sa rage («sa mauvaise graine») pour ne pas la blesser davantage, elle couve sa douleur depuis plus d’une décen