Peut-on écrire sur l’existence et la chute de son frère avec de la distance ? Comment prendre pour personnage principal quelqu’un de détesté, lui bâtir un tombeau ? Le grand frère d’Edouard Louis s’est définitivement «effondré» à 38 ans. Il a été retrouvé sur le sol de son appartement inconscient, «comme un animal à l’agonie, comme une bête». Ses organes étaient dégradés par l’alcool, son cerveau endommagé, sa mère a autorisé l’équipe médicale du service de réanimation à le débrancher. «Il était mort mais elle était la seule à avoir le droit de le faire mourir. Il avait trente-huit ans.» Lui le petit frère ne l’avait pas croisé depuis dix ans, repoussant les perches de réconciliation de la mère, son ultime tentative datait d’une dizaine de jours avant le décès. Viendrait-il à Noël ? Mais il ne voulait plus le voir, il ne l’a pas revu vivant, il ne l’a pas revu mort. «Je n’ai rien ressenti à la mort de mon frère : ni tristesse, ni désespoir, ni joie, ni plaisir. J’ai reçu la nouvelle comme on recevrait des informations sur le temps qu’il fait dehors, ou comme on écouterait une personne quelconque nous dérouler le récit de son après-midi au supermarché.» L’indifférence contenue dans l’incipit de l’Effondrement fait songer à celui de l’Etranger, mais ici c’est du réel, pas de la fiction. Le sabre tranche d’emblée par les «ni» tout sentiment.
«Je ne sais pas, je ne sais pas»
L’Effondrement (qui fait penser à Extinction. Un effondrement, le livre testament d