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Emmanuelle Pirotte met le feu au plat pays

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Comme à Ostende et comme partout, il faut être deux pour danser le tango et «Rompre les digues».
Emmanuelle Pirotte en septembre 2018. (Philippe Matsas/Leextra. Editions Philippe Rey)
publié le 2 avril 2021 à 21h42

Nous sommes en Belgique, à Ostende, la ville de James Ensor dont les carnavals, les masques et la mort s’inscrivent discrètement en filigrane de Rompre les digues. Après avoir affronté la guerre (Today we live), imaginé la survie en temps de pandémie (De Profundis), exploré le Nouveau monde au XVIIe siècle (Loup et les hommes) et rencontré le dramaturge élisabéthain Christopher Marlowe (D’innombrables soleils), Emmanuelle Pirotte installe ses personnages de nos jours, sous un ciel gris.

Pour la romancière comme pour ses lecteurs, le jeu va consister à rapprocher Renaud, 48 ans, et la jeune Teodora. Le premier est un fils de famille désastreux, qui se saborde (alcool, cocaïne) à l’écart de la modernité (il n’est pas «connecté») et abrite dans sa vaste demeure un cabinet de curiosités passablement inquiétant. La seconde, qui a fui le Salvador, s’emploie comme gouvernante chez ces gens-là. Dans son ancienne vie, elle était une tueuse : «Elle a préféré la destruction, la violence et le néant à une existence d’agneau sacrifié. Elle avait seize ans.» Renaud et Teodora, c’est le feu et la glace en chacun d’entre eux.

«Incomparable béatitude»

Dans sa solitude, Renaud a pour ami François, un veuf inconsolable. Le travail, l’amour, l’argent : à tous points de vue François est en fin de droits, mais il est aussi gentil que Renaud est sarcastique. A ses côtés milite Brigitte, pleine de compassion (et de concupiscence) pour les migrants. «Brigitte avait été marié