En aveugle est un livre à clés dans un sens inhabituel et ce n’est pas la seule de ses originalités. C’est le premier roman qu’a publié Eugene Marten, né en 1959 et dont Quidam, qui a déjà traduit Ordure (lire Libération du 8 janvier 2022), fait désormais miroiter la traduction de Pure life, paru aux Etats-Unis en 2022. Le héros narrateur d’En aveugle est de retour. D’où ? De quoi ? Manifestement pas d’un endroit affriolant, de même que ne l’est pas celui où il atterrit. L’argent ne coule pas à flots mais la sueur, si.
Quant à la mélancolie, la détresse, elles sont partout. «Un cafard a surgi de mon caleçon et est allé se percher à mon extrémité.» Telle une voiture, le narrateur «zigue et zague» et finit par dénicher un boulot chez un serrurier. «Ça a un cou. Un dos. Un anneau et une tige. Une butée.» Et également «une tige, une boule», ça «possède un canon, des gorges. Un cylindre est doté d’un panneton». C’est une clé comme il va apprendre à les connaître. «En aveugle réussit à faire avec les clés et serrures ce que Melville a pu faire pour la chasse à la baleine», écrit Brian Evenson, cité en quatrième page de couvert