Il porte un vêtement usé, sa veste en daim «de mai 68», il n’a qu’une seule paire de chaussures, qu’il tente d’épargner en marchant. Début mars 1984, l’écrivain allemand Peter Kurzeck est dans un creux. La mère de sa fille lui a demandé de quitter l’appartement conjugal, il a habité quelques semaines dans «un cagibi». Et puis une éclaircie : des parents du jardin d’enfants lui prêtent un deux-pièces mansardé qui leur sert de bureau. Après Un hiver de neige, premier volume du «Vieux Siècle», son cycle autobiographique et poétique, le voilà En invité, titre du second volume qui renvoie à cet hébergement mais aussi à une façon d’être toujours au bord des choses, de l’existence même.
Dans cette chronique au jour le jour, l’Allemand né en 1943 dans les Sudètes, en Tchécoslovaquie, et mort en 2013 rend compte de façon obsessionnelle de sa vie dans un quartier de Francfort, il détaille les trajets, les rencontres, la qualité du ciel, les traits de lumière sur le trottoir, un mur. Avec lui les alentours de la Jordanstrasse où vivent Sibylle, son ex-compagne, et Carina, sa fille de 4 ans, deviennent un quartier connu, arpenté, martelé par l’habitude. Ce sont les années 80 de l’Allemagne fédérale, Kurzeck passe beaucoup de temps dans les cabines téléphoniques, le milieu qu’il fréquente est alternatif, le jardin d’enfants a été créé dans un immeuble squatté, son ami Jürgen a vécu dans la clandestinité, des arrestations – on présume dans le cadre de la lutte c