Histoire
Arlette Farge,Vies oubliées. Au cœur du XVIIIe siècle
Postface inédite de l’autrice, La Découverte, 326 pp., 13 €.
Son «goût de l’archive» porte toujours Arlette Farge à chercher les traces d’existences minuscules, «à contre-courant des chemins historiques traditionnels» qui évitent les «déchets» et les «reliquats». Pour faire parler ces documents épars, en marge d’un sujet ou rebelles aux inventaires, il fallait l’obstination de la moderniste et son empathie pour les êtres ignorés : enfants abandonnés «par la misère du temps» que l’on «espère reprendre» un jour, prisonniers malades conduits à l’hôpital, épouse infidèle enfermée par son mari dans un couvent…En recontextualisant les sources, offertes à lire dans leur formulation originelle, l’autrice nous fait sentir l’«étonnante atmosphère» d’un XVIIIe populaire, et ses «houles d’émotion», qui, à l’en croire, nous habitent encore. Y.R.
Philosophie
Bruno Karsenti, la Place de Dieu. Religion et politique chez les modernes
Fayard, 512 pp., 28 € (ebook : 18,99 €).
C’est par la sécularisation que les sociétés ont cru pouvoir se dire modernes, ou par la «mondanisation», le processus par lequel elles (les sociétés, et non les individus) se purgeraient de tout ce qui ne relève pas de leur «pure réalité mondaine», ou, sommairement dit, par l’expulsion du religieux de la sphère politique - qui n’est évidemment pas l’expulsion de la foi et des croyances de la sphère personnelle. Il ne faut pas être grand clerc pour voir que ce récit, porté par la philosophie politique, n’est plus aujourd’hui convaincant, et que le théologique, chassé par la porte, revient en force, par la fenêtre, dans le politique, alors