Romans
Claudine Desmarteau, le Nobel des massacreurs
Gallimard «Sygne», 390 pp. 22 €.
Hasard de la vie éditoriale, il est question par deux fois de la lobotomie. Yves Navarre y a échappé de peu, et Claudine Desmarteau la place au cœur de son nouveau roman, très documenté, qui commence en 1943 pour se terminer entre 1950 et 1954. Fascinée par Nellie Bly, la pionnière du reportage d’immersion, la jeune Janet veut devenir journaliste. Elle tient son sujet : la méthode du docteur Walter Freeman. Partant du principe que «les troubles mentaux ont une origine organique», le neurologue intervient sur le cerveau des patients. Janet assiste à plusieurs opérations, effrayantes à lire, qui consistent à enfoncer une sorte de pic à glace sous la paupière des malheureux fous et des malheureuses neurasthéniques. «La lobotomie préfrontale agit sur les connexions cérébrales en coupant des fibres reliant le lobe frontal au reste du cerveau», résume l’enquêtrice en herbe du Washington World. Intelligente et honnête, elle découvre le machisme. Elle n’aurait pas dû coucher avec un type du bureau. Et prend des leçons auprès d’un rédacteur placardisé. Scoop qui ne lui vaut aucun Pulitzer : la méthode Freeman est un désastre, le médecin portugais qui l’a inspirée, Egas Moniz, un prix Nobel scandaleux. Le frère adoré de Janet est homosexuel, leur père un tyran. Devinez ce qui va se passer. C