Romans
Mathieu Lindon, le Monde comme démangeaison
P.O.L, 160 pp., 18 €.
Se gratter ou dormir, cela commence par un dilemme. «Ça me gratte et je laisse faire.» Faut-il laisser faire ? Peut-on se gratter n’importe où ou seulement avec soi-même ? «Laisser faire la vie, cette démangeaison de chaque instant, parfois si douce, parfois pas.» De la démangeaison, physique et sans raison valable, à celle du sens figuré, métaphysique disons-le, il y a toute une gamme, qui passe par les singes («les gratteurs en chef»), le libre arbitre que suppose se gratter par rapport à éternuer, une liberté qu’on regrette quand on a la gale, la mort qui gratte avec la vieillesse, l’ennemi intérieur qui démange quand on a rien demandé… Le sujet suscite un chapelet de réflexions malicieuses et graves, avec de nombreuses phrases mémorables à la Devos : «Mais se gratter est comme pleurer ; si on commence, quand s’arrêter ? C’est comme un deuil : une fois qu’on est entré dedans, on n’est plus maître de rien.» Idem une fois qu’on est entré dans le Monde comme démangeaison de Mathieu Lindon, journaliste à Libération, il agit en poil à gratter et lecture contagieuse. Parti d’une vile sensation corporelle, on devient moustique, serpent ou livre, voire un autre ou soi-même, et réveillé de bonne grâce. F. Rl
Claire Castillon, Tssitssi
Gallimard, 176 pp., 18,50 € (ebook : 13 €).
«La liberté, c’est vraiment le sentiment auquel j’aspire, même si c’est pas un sentiment, et qu’aspirer ça veut pas forcément dire ça.» Hélène cherche le mot juste, et son identité. Elle a 16 ans, bientôt 17, donc, de fil