Romans
Ryoko Sekiguchi, l’Appel des odeurs
P.O.L, 272 p., 20 € (ebook : 14,99 €).
Il y a neuf ans, Ryoko Sekiguchi faisait paraître la Voix sombre (P.O.L), un court essai-poème en prose sur les répondeurs téléphoniques, les disques, le nécrophone d’Edison et tout ce que l’enregistrement des voix fabrique de fiction : car nous sommes absentés du monde où ces voix d’êtres chers ou inconnus, comme par sorcellerie, demeurent. Avec l’Appel des odeurs, il s’agit d’explorer une trace vivante et fugace laissée par l’humain : «l’odeur a ceci de distinct que c’est une présence qui visite». L’opposé de la hantise des voix mortes. Outre une série de récits, le livre comporte un journal de réflexions personnelles, de notes sur des événements olfactifs et de citations : «Certains sont incapables de prendre les transports en commun, au risque de faire un malaise à cause de l’odeur des autres. D’autres pensent qu’ils puent alors qu’il n’en est rien.» Ainsi le texte avance-t-il, par observations, questionnements, anosmie due au Covid, fertilisation interculturelle (avec le Japon natal de la poétesse, en particulier). On croise aussi bien l’artiste conceptuel On Kawara que la «hyène d’Auschwitz» Irma Grese, qui s’aspergeait des parfums confisqués à ses victimes. Souvent les incipits ouvrent d’intrigants chapitres : « »Je ne peux plus te sentir », lui avait un jour annoncé son père.» (page 77) ou «Un beau jour, on lui avait offert une forêt» (page 213). En note de fond, les ombres d’Orphée et d’Eurydice ne cessent de passe