«Je connais Salman Rushdie surtout par ses livres. Quand il a publié en 1988 les Versets sataniques qui lui ont valu une fatwa, j’ai été surpris par les commentaires des médias qui ont qualifié de “courageuse” sa splendide écriture. Je n’ai jamais compris en quoi une écriture littéraire pouvait être courageuse : chaque fois que j’écris, j’imagine quelque chose, je peux même construire des intrigues provocatrices et risquées, mais elles ne me demandent pas le moindre courage. En fait, je ne fais rien d’autre que raconter une histoire qui ne s’est jamais produite, dans un monde de personnages inventés et dans un livre dont la couverture affiche l’intention à travers le mot “fiction” ou “roman”. Mais demander à un spectateur assis devant moi dans une salle de cinéma d’arrêter de parler avec son mobile est une autre affaire, bien plus effrayante.
«Vendredi soir, quand j’ai appris que Rushdie avait été attaqué au couteau, j’ai éprouvé un double chagrin : d’abord pour l’atteinte portée à un homme d’un talent exceptionnel dont je connaissais la pensée et l’imagination de la manière la plus intime qui soit, c’est-à-dire par ses livres ; et du chagrin aussi pour le monde dans lequel nous vivons. Un monde où la protection artistique, cette forme d’immunité diplomatique accordée à chaque ambassa