Les romans contemporains font perdre au lecteur l’habitude, non pas de la lenteur, mais d’une précision qui prend son temps, d’une paix teintée de mélancolie qui permet de regarder tranquillement les détails d’une scène, les objets ordinaires, domestiques. Nous lisons rarement des passages qui suivent ce rythme-là et dégagent un tel naturel allié à une élégante minutie : «Il aimait leurs balades en voiture sans but précis et la joie du retour. Il aimait les promenades qu’ils faisaient ensemble pour laisser se déposer la journée, entre chien et loup, la préparation des repas ensemble, ce tranquille raccommodage fait de parole et d’écoute […]»
Superbement traduit par Dominique Fortier, Etreintes est le troisième roman d’une poétesse canadienne, Anne Michaels. Sa fiction est composée de strophes, d’images, d’éclats poétiques, ce qui n’empêche pas le roman de raconter des histoires. Il présente de façon elliptique et concentrée à la fois le destin de plusieurs duos, parmi lesquels un peintre et une femme qui pose nue pour lui, des époux, un père et sa fille. Ces hommes et femmes sont souvent, mais pas toujours, liés les uns aux autres à travers les générations. Etreintes agence des jeux d’échos entre des personnages, des paysages enneigés, des états psychiques, des sensations, des professions ; entre la mort et la vie, la mort et l’amour. Le livre commence en 1917 et s’achève en 2025. Entre ces dates se succèdent d’éternels retours, une même fragilité de l’hu