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Proses

Eugène Savitzkaya, jamais seul en Seine

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Le cahier Livres de Libédossier
Dans «Fou de Paris», la capitale sous un flot de sensations et de rêveries historiques.
«Matin au Louvre, effet de neige», Peinture de Camille Pissarro, 1902. (Leemage. AFP)
publié le 3 novembre 2023 à 15h15

Avant, vers 1830, Hégésippe Moreau était un poète de Provins, ville médiévale proche de Paris (sa tour César, son prieuré, ses caves et sa présence de Jeanne d’Arc). Il était imprimeur chez Didot, appelait son amoureuse «ma sœur» et fit la révolution de Juillet. Maintenant, il arpente Paris, croise un carrousel dans un parc, «voit défiler les animaux du monde. Le parfum du pommier en fleur lui parvient lentement à travers le feuillage du cerisier rampant».

Il n’est pas le seul personnage de ce recueil de proses. On y croise aussi Matoub Lounès, musicien algérien et militant assassiné, le poète roumain Benjamin Fondane, mort à Auschwitz, ou encore Nicolas Kozakis, plasticien belge et ami de Savitzkaya – plus quelques révoltés : «Nous voulons du blé, crient et chantent les femmes et les hommes marchant sur les quais.» Sont-ce eux le «fou» du titre, sous différentes incarnations assurément poétiques ? On penserait volontiers, par la forme, au Spleen de Paris de Baudelaire et à la flânerie, si le principe de Fou de Paris n’était le contraire : non pas la révélation d’une ville quotidienne, mais plutôt son voilement sous un flot de sensations et de rêveries historiques (le «fou aux dictionnaires» de la page 96 y est-il pour quelque chose ?).

Champ magnétique

Le mot «bièvre» est à l’ouverture du livre : s’il y désigne un type de castor, c’est aussi le nom d’une rivière qui coule sous la capitale, et dont la dernière partie à l’air libre fut recouverte en 1912, pour