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Récits

«Exils», l’insoumission secrète des Portugais

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Les éditions Chandeigne publient treize témoignages de réfractaires ayant fui leur pays dans les années 60, avant la révolution des œillets de 1974, pour échapper à la dictature et à l’enrôlement dans les guerres coloniales.
Six officiers en train de déserter, à la frontière nord du Portugal en 1970. (Fernando Mariano Cardeira)
publié le 7 juillet 2022 à 3h15

Il est des adresses parisiennes mythiques pour certains exilés. Chez les Allemands qui fuyaient le nazisme, le 10 rue Dombasle, dans le XVe arrondissement, en fut. C’est là que s’agrégèrent de nombreux réfugiés, dont Walter Benjamin. Dans les années 60 et 70, le 15 rue du Moulinet, dans le XIIIe arrondissement, aimanta, lui, des Portugais fuyant le régime de Salazar et la guerre. Sous cette dictature ancienne (depuis 1932), les affrontements dans ce qui restait de l’Empire portugais éclatèrent au sein du mouvement plus général de décolonisation en Afrique. Angola, Mozambique, Guinée-Bissau : l’envoi de milliers de jeunes appelés de la métropole et l’enrôlement de soldats «coloniaux» allaient plonger le pays qui souffrait déjà de la dictature – société paralysée, peur de la police politique et de la délation – dans une période encore plus sombre. Les déserteurs sont montrés du doigt comme traîtres. Dans un discours de 1972, le ministre de l’Intérieur António Gonçalves Rapazote leur conseillera de préparer la corde avec laquelle «ils devront se pendre». Mais les années 60 sont passées par là, l’internationalisme est en vogue. L’indépendance algérienne a montré le chemin,