Un jour de 1979, Eduardo Berti et son ami Fernán traversent Buenos Aires (l’écrivain de langue espagnole et française y est né en 1964), prennent deux bus et arrivent dans le quartier excentré où les attend Juan Manuel Fangio. Fangio : légende de la course automobile, incarnation de la vitesse. En deçà de quel âge n’a-t-on jamais entendu «Vas-y Fangio ?» Munis de leur magnétophone à cassettes, les deux garçons viennent interviewer «le demi-dieu national», le héros, cinq fois champion du monde, quatre fois à la suite entre 1954 et 1957. Ils ont créé un magazine sportif. Non qu’ils soient eux-mêmes sportifs, c’est l’esprit du sport qui les intéresse. On voit bien, sans qu’il soit besoin de les énumérer, les valeurs qui peuvent exalter un cœur adolescent, courage, dépassement de soi. Sinon, ils s’intéressent plutôt au cinéma, à la musique, aux livres, comme tout le monde. Justement, ils veulent parler d’autre chose.
«J’ai encore du mal à m’expliquer pourquoi Fangio, le plus grand sportif du siècle (chez nous on l’appelait comme ça, sans crainte de l’hyperbole), allait du lundi au vendredi, jours fériés compris, travailler dans une concession automobile. Avait-il besoin