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Le Libé des historiens

Faut-il faire du Carrère pour faire carrière ?

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Une sélection de romans réunis en Quarto chez Gallimard de l’écrivain pour qui le moi est roi. De quoi interroger la mode de «l’ego-histoire» ?
Emmanuel Carrère à Moscou, en mars 2022, devant l’hôtel Ukraine. (©Hannah Goldman/©Hannah Goldman)
par Grégoire Kauffmann, historien, maître de conférences à Sciences-Po
publié le 4 octobre 2023 à 16h38

A l’occasion des «Rendez-vous de l’histoire», qui se tiennent à Blois du 4 au 8 octobre 2023, les journalistes de Libération invitent une trentaine d’historiens pour porter un autre regard sur l’actualité. Retrouvez ce numéro spécial en kiosque jeudi 5 octobre et tous les articles de cette édition dans ce dossier.

Employer le «je» en histoire ? Se mettre en scène, raconter sa vie ? Une hérésie ! A la fin des années 1970, quand Emmanuel Carrère étudiait à Sciences-Po Paris, ses professeurs d’histoire – Jean-Baptiste Duroselle, René Rémond, Raoul Girardet – proscrivaient rigoureusement l’utilisation du pronom personnel. Emmanuel Carrère a ignoré leurs conseils. Le moi, chez lui, est roi, porté par une acuité, un sens de l’autodérision à rebours de toutes les leçons apprises rue Saint-Guillaume. Son moi, Carrère l’étale, le maltraite, l’essore dans tous les sens. Faux menteur, vrai fragile, grand égocentrique et grand déprimé, le Narcisse contrarié de Yoga pratique l’écriture comme méthode d’auto-analyse et d’auto-thérapie. Journaliste, écrivain, scénariste, il ne s’est jamais voulu historien, sa mère