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Critique

«Féroce» de Benoît Vincent : sous le pavé, la mer

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Le cahier Livres de Libédossier
Ecrit onze années durant, ce livre inclassable à la langue inventive tutoie l’épopée et rend hommage à la Méditerranée.
Illustration sur le livre Féroce de Benoit Vincent (avec une photo de l'écrivain de Julien Bénard) (Brest Brest Brest)
publié le 5 juillet 2024 à 14h54

«C’était encore la mer, le plein d’eau, le trop-plein. Mais c’était aussi la mer, le trop-plein d’eau, le vide si on peut dire : dur, le vide si on peut dire : plein… C’était de la mer que Drieu tirait cette énergie, ce désir de prendre la route, et c’est à la mer qu’il se rendait. La mer, c’était la Méditerranée, la Merterranée, la seule possible.» Faire contenir toute une mer dans un livre. Réécrire à son compte l’Odyssée d’Homère et Horcynus Orca de Stefano d’Arrigo. Inventer sa propre langue. Retracer l’itinéraire d’une quête hallucinée, celle, précisément, d’un ouvrage mythique qui répondrait à toutes les questions et déclencherait rien de moins que la fin du monde. Mettre en abyme sa propre recherche existentielle. Féroce a déboulé en librairie avec toute l’immodestie de ses folles ambitions, symbolisée par son objet même : un pavé noir à la couverture brillante, de 22 centimètres de haut et 16 de large, épais de 600 pages et lourd d’un peu plus de 800 grammes. Benoît Vincent, annonce-t-il, l’a écrit durant onze années à la suite d’une tentative avortée de traduction de l’Horcynus Orca (finalement traduit par Monique Baccelli et Antonio Werli, le Nouvel Attila) entre 2013 et 2022. On entendrait presque un «et bim !» quand on l’a entre les mains.

Féroce suit les aventures d’un certain Drieu Pagès – étonnant prénom, diminutif d’Andrieu et clin d’œil à un auteur qui a mal tourné –, un héros dont on devine q