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Disparition

Mort de Florence Delay, double grâce

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Jeanne d’Arc devant la caméra de Robert Bresson, l’écrivaine et académicienne s’est éteinte mardi 1er juillet à 84 ans.
Florence Delay en juin 2021. (Vincent Muller/opale.photo)
publié le 2 juillet 2025 à 11h47

Florence Delay est morte juste après l’aube, mardi 1er juillet, à 84 ans. Depuis quelque temps, le souffle lui manquait. Depuis deux jours, elle rêvait. Dans Mon Espagne : or et ciel (Hermann, 2008), elle rappelait que le lexique espagnol n’a qu’un seul mot pour désigner rêve, songe et sommeil : sueño. Cette polysémie allait comme un gant – de soie et d’acier, tenant la cape et l’épée – à la romancière, la traductrice, l’actrice qui fut à 20 ans la Jeanne d’Arc de Robert Bresson, l’amoureuse du Siècle d’or espagnol, l’enseignante universitaire, l’amie et, par-dessus tout, la femme qu’elle était. Polysémie qui conduisait, par éducation et comme par miracle, à une admirable clarté d’expression. La légèreté signait la précision, le jeu enveloppait l’érudition.

Ce qui émane de cet estuaire intime entre dormir, songer, rêver, c’est en effet ce qu’elle incarnait avec un naturel souverain et discrètement scandaleux pour nous autres, pauvres bipèdes : la grâce ; autrement dit, une classe presque absolue, intérieure et extérieure. Sa voix grave, sa diction parfaite, son sourire affectueux mais inquiétant, son regard transparent, distingué mais sauvage, ce qu’on sentait parfois de rudesse retenue, rien ne semblait tout à fait soumis en elle aux lois ordinaires de la pesanteur.

«Je dois une chandelle à ce tricot»

Elle a raconté, entre autres dans la Vie comme au théâtre (Gallimard, 2015), sa passion d’enfance pour cet art, pour la dynamique de la troupe, qui ne l’a pas plus quittée que so