La vie de Frantz Fanon est courte, mais ses biographies sont longues. Il faut dire que l’auteur des Damnés de la Terre, mort en 1961 et à 36 ans d’une leucémie, a eu plus de vies qu’il n’y a de masques dans un carnaval vénitien. Seulement, ces vies ont consisté à abattre les masques et elles n’ont rien eu d’une fête ni d’une comédie. A chaque étape et sur chaque plan, elles ont été vécues à fond, sur fond de tragédies : racisme, Guerre mondiale, univers psychiatrique, guerre d’Algérie, Afrique à peine et mal décolonisée. Ecrivain ? Pamphlétaire ? Psychiatre ? Théoricien ? Soldat ? Militant ? Révolutionnaire ? Porte-parole et ambassadeur du FLN ? Noir ? Français ? Martiniquais ? Algérien ? Héritier récalcitrant puis ouvertement critique de Césaire, Senghor, Richard Wright ? Fanon a été tout cela, intensément. Il a ainsi créé un modèle qui continue d’aimanter les mouvements de libération et d’émancipation de toutes sortes, modèle dont il est l’exemplaire à peu près unique : l’Arlequin inflammable et entier. Chacune de ses parties devient le tout ; chacune prend feu et veut changer la vie ; autrement dit, la renverser et la brûler, pour qu’elle renaisse. Il détestait «la vie larvaire, ramassée, désuète» de la classe moyenne. Il était impatient, susceptible, orgueilleux. On l’appellerait volontiers «monsieur 100 000 volts», si l’expression n’avait été prise par le chanteur Gilbert Bécaud. Fanon a électrocuté la conscience d’un monde occidental qui, soixante-trois a
Biographie
Frantz Fanon, monsieur 100 000 révoltes
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Le cahier Livres de Libédossier
Frantz Fanon (1925-1961). (Bridgeman Images)
par Philippe Lançon
publié le 27 mars 2024 à 16h58
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