Pour dresser le portrait du couple qu’ont formé Friedrich Nietzsche (1844-1900) et sa sœur, la diabolique Elisabeth Förster-Nietzsche (1846-1935), Guy Boley met son écriture en feu. Elle est emphatique et chantournée, parfois trop, mais elle enregistre et dégage une catastrophe qui mitonne. «Je ne suis pas un homme, je suis de la dynamite» : l’affirmation de Nietzsche citée par l’auteur de cette biographie romancée et documentée, sans que l’érudition l’écrase, donne le ton d’un texte qui reflète une période et une Europe chaotiques habitées par des hommes et des femmes fabriqués nerveusement par le désordre : le dérèglement de tous les sens s’accorde à un détraquement plus large. Boley, engagé dans son texte, raconte avec ironie, chagrin et colère l’adoration qui unit ce frère et cette sœur avant que les séparent la mélancolie de Nietzsche, l’antisémitisme de Bernhard Förster, qu’épouse «Lisbeth» ; l’antisémitisme, la jalousie (c’est lié), l’insatisfaction de celle-ci. Lorsque le livre se termine, Elisabeth rencontre Hitler, en 1932.
Des «rachitiques très doués»
Enfants d’une lignée de cinq générations de pasteurs, Friedrich et Elisabeth ont pour aïeux des mélancoliques qui finissent par se tuer, des «rachitiques très doués» et des idiots. Leur mère est «une femme pieuse et simple dont il a pudiquement été écrit qu’elle était intellect