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Histoire

«Générations» de Lucille Clifton, saga «Afriki»

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Dans un récit au style oral et enchâssé, la poétesse afro-américaine se penche sur sa «lignée du Dahomey» et les traumas de l’esclavage.
Des pionniers afro-américains à Nicodemus dans le Kansas à la fin du XIXe siècle. (Interim Archives/Getty Images)
publié le 5 juillet 2025 à 10h22

Sur une façade de la Bibliothèque publique de New York, une plaque cite ces vers de Lucille Clifton (1936-2010) : «Ils me demandent de me souvenir /mais c’est leur passé qu’ils veulent que je me rappelle /et moi, je persiste à me rappeler le mien.» Ce poème s’intitule «Pourquoi certains m’en veulent parfois». Il constitue la réponse de Clifton à une commande de l’Etat du Maryland, dont elle était alors la «poétesse lauréate». Pour en fêter le 350e anniversaire, en 1984, son gouverneur avait en effet choisi comme thème : «Les beaux jours de la colonisation».

Publiées en 1976 par Toni Morrison, ces «mémoires» constituent la première traduction française de Clifton, quoique étant son unique œuvre en prose. La mère et le père y meurent à chaque chapitre ou presque. Non que l’autrice ait la mémoire défaillante, au contraire : c’est plutôt une façon spéciale de raconter, en spirale, en volume, labourant à chaque tour de manivelle un peu plus profondément dans ses «générations», dans l’histoire de sa famille, remontant les différents traumas subis jusqu’à «celle qu’on appelait Caroline Donald Sale /née libre en Afriki en 1822 /décédée libre en Amérique en 1910», mais esclave entre ces deux dates.

«Même les bons moments c’tait affreux»

Le livre est chapitré en prénoms car «qui se souvient des prénoms des esclaves ? Les enfants d’esclaves uniquement.» Il y a l’ancêtre Caroline, sa fille Lucy, violée par un blanc qu’elle assassine ensuite, le fils de Lucy, puis les enfants de