«Tant qu’on n’a pas tout vu, et le contraire de tout, on n’a pas vécu.» Que Germaine Tillion, morte à 100 ans en 2008, rentrée au Panthéon le 27 mai 2015, ait fait sienne cette citation de Talleyrand n’étonnera plus personne, après la lecture de la passionnante biographie de Lorraine de Meaux. Sa première qualité est d’avoir amplement donné la parole à son «sujet», en recontextualisant avec précision chacun de ses gestes et de ses mots. Démarche rendue possible par la plume si prolifique de l’ethnologue qu’en 1970, elle avoue avoir «acquis vis-à-vis du papier blanc ce qu’on appelle actuellement une allergie», «écrire étant [son] métier. Ecrire pour décrire les sociétés aux structures et fonctionnements éloignés de la nôtre, les comprendre, en échappant à la grille dépréciative en vigueur car le fait colonial triomphe alors, et ainsi faire accepter les différences». Tillion articule sans cesse ce souci ethnographique avec un «humanisme lumineux» dont elle deviendra l’incarnation, face «à deux expériences tragiques vécues intimement et collectivement : la France de 1940, l’Algérie en 1954», ce qu’elle nomme son «double apprentissage». A l’œuvre dans celui-ci, sa formation.
Traversée de l’enfer
Disciple de Marc