On a du mal à imaginer ce que fut la mode des tables tournantes dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Aujourd’hui, on se frotte les yeux quand on apprend que des gens se précipitaient pour acheter Jeanne d’Arc par elle-même (1855), autobiographie «dictée» à Ermance Dufaux, jeune médium âgée de 14 ans. Dans les mêmes années, l’adolescente sert aussi de scribe à un célèbre roi de France pour une Histoire de Louis IX dictée par lui-même. Ces deux autobiographies d’esprits sont des best-sellers pendant le Second Empire, en particulier le récit à la première personne de notre héroïne nationale à travers sa vie intime, ses conversations et ses batailles. La jeune Ermance joue seulement la prête-plume et «le public s’enthousiasme pour cette médium dont la légende voudrait qu’elle ait “reçu”, sous dictée rapide – en deux semaines seulement – l’histoire de la Pucelle», dit l’historienne des sciences et de la médecine, Alexandra Bacopoulos-Viau, dans son avant-propos aux Voix invisibles. Cet essai passionnant de Stéphanie Peel, chercheuse à l’Université libre de Bruxelles, qui travaille sur les liens entre ésotérisme, féminismes et littérature, permet de jeter un œil nouveau sur la pratique de cet occultisme, de la comprendre comme une histoire où l’écriture et les femmes y prennent une large place, mais aussi d’apprendre pourquoi, ironiquement, elles ont en été occulté.
Ainsi, Ermance Dufaux représente le modèle éclatant de ces femmes qui on