«J’ai fait un peu longue cette narration pour deux raisons» : ce n’est pas une phrase de Grégoire Bouillier, mais de Jean Genet. Extraite de Journal du voleur, la citation est l’un des 99 exergues du Cœur ne cède pas, un livre de 912 pages. Il est long mais il éclate de vivacité et d’inventivité. Il est un tressage : à une enquête sur un fait divers, l’écrivain y entremêle des éléments de son autobiographie. C’est une autofiction augmentée, singulière, une somme, qui roule dans le sillage de son précédent, le Dossier M, publié en 2017 en deux tomes de mille pages chacun, récompensé du prix Décembre. Le Cœur ne cède pas dégage une même ironie, une même autodérision qui ne tire pas vers la fausse modestie, et un même naturel travaillé qui apparaît sous forme de sursauts de joie ou d’agacement. Ils s’expriment à travers des «hop», des «grrr» et des «hein ?», comme dans la chanson Oh ! Hé ! Hein ! Bon ! de Nino Ferrer. Bouillier non plus ne veut pas que l’on se moque de lui.
L’enquête a pour objet une femme, Marcelle Pichon, née en 1921 à Paris d’un père coiffeur qui l’a abandonnée lorsqu’elle avait 7 ans. Elle a été mannequin pour Jacques Fath sous l’Occupation, et s’est mari