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On avait laissé il y a deux ans, à l’issue d’une éprouvante enquête dans l’univers glauque du cinéma d’horreur, le commandant Martin Servaz, héros récurrent des romans de Bernard Minier, dévasté et dépressif. Les dernières pages d’Un œil dans la nuit s’achevaient en effet sur la mort de son coéquipier, l’infidélité de sa compagne et l’évasion de Julian Hirtmann, le tueur en série psychopathe vouant au policier et à sa famille une haine obsessionnelle. Un sacré cliffhanger… C’est avec ces éléments que débute H, le dernier opus du romancier. Un titre à consonne unique, décliné sur la une en slogan inquiétant.
«H» comme hiver, la saison fétiche de Minier qui depuis son premier roman, Glacé, se plaît à faire évoluer ses personnages dans les vallées sombres et encaissées de ses Pyrénées natales. Un environnement oppressant aussi marquant que ses personnages.
«H» comme horreur, car après des décennies calmes, de nouvelles disparitions de jeunes femmes sont signalées dans la région… Des affaires jadis classées sans suite. Sans cadavres. Sans explication. La nouvelle enquête démarre avec la découverte du corps d’un journaliste travaillant sur ces crimes non résolus. S’est-il pendu seul ? Ou l’a-t-on aidé ? Et que penser de ces figurines trouvées chez lui représentant des scènes de crime ? Des statuettes qui rappellent celles que sculptait Hirtmann lorsqu’il était interné dans la région…
Talk-show racoleur
Martin Servaz et son équipe reprennent donc du service mais cette fois la police n’est pas seule à enquêter. Un écrivain en mal d’inspiration et un groupe de geeks, fans de true crime, se sont également mis en chasse sur le darknet. Une collègue du journaliste suicidé a retrouvé ses notes et découvert l’existence de mystérieux indics. A Paris, un présentateur de talk-show racoleur (mélange d’Hanouna pour le trash et de PPDA pour son rapport aux jeunes filles) ne rêve, lui, que d’interviewer en exclusivité le serial killer.
Interrogé à l’occasion de la 21e édition du festival Quais du Polar, Bernard Minier s’était étendu sur la fascination du public et des plateformes pour ces crimes sanglants bien réels. «J’ai découvert ces cyber enquêteurs du dimanche à travers un document sur Netflix baptisé Don’t F**k With Cats dans lequel un petit groupe d’internautes avait réussi à arrêter un type absolument abject (Luka Rocco Magnotta) et j’ai vu que cette tendance se développait, qu’il y en avait maintenant sur toutes les grandes affaires criminelles médiatisées.»
Toujours sensible à l’air du temps – ses thrillers s’appuient souvent sur des thèmes d’actualité (psychiatrie, jeux vidéo, mouvement de foule, réseaux d’ultradroite…), Bernard Minier s’en prend cette fois à la télé-poubelle, au voyeurisme des médias (avec des réminiscences de l’affaire Alègre, l’action se situant à Toulouse) et à la violence complaisamment amplifiée par les chaînes d’info continue ou les réseaux « sociaux »… Un cocktail 2.0 pour un flic à l’ancienne que viendra conclure un nouveau finale à couper le souffle.