A l’âge de 98 ans, Henry Kissinger constitue aujourd’hui encore une référence majeure dans les relations internationales, qu’on le révère ou qu’on l’exècre. Les lecteurs curieux de découvrir ce personnage hors-série sans se plonger dans des ouvrages de fond seront heureux de parcourir le livre que Gérard Araud, ancien ambassadeur de France à Washington, consacre à son héros. Ils découvriront l’itinéraire d’un petit juif qui, fuyant les persécutions nazies, débarque aux Etats-Unis en 1938, participe à la guerre sans combattre, avant de rejoindre Harvard en 1947. Le jeune homme ambitieux entame ensuite une carrière de conseiller auprès de Richard Nixon puis devient son ministre des Affaires étrangères en 1973, poste qu’il occupe également sous Gerald Ford.
Servile avec les puissants, durs avec les faibles
Trois fils rouge le guident. Le réalisme, tout d’abord, ce qui le conduit à mener une diplomatie qui ne se préoccupe guère de morale. Aussi pousse-t-il à la détente avec l’Union soviétique et au contrôle des armements nucléaires, ouvre la voie à la reconnaissance de la Chine populaire et solde la guerre du Vietnam par les accords de Paris. Un anticommunisme viscéral, ensuite, qui l’incite à soupçonner tout régime progressiste de faire le jeu de Moscou. Sans être l’artisan du putsch contre Salvador Allende, il ne l’a certes pas déploré. Un arrivisme forcené, enfin. L’inspirateur de la politique extérieure américai