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Disparition

Hommage à la poétesse Louise Glück : «Il me semblait que nous parlions la même langue»

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Poésiedossier
Marie Olivier, traductrice de la poétesse américaine, rend hommage à la Nobel de littérature 2020, disparue le 13 octobre à l’âge de 80 ans, «son esprit libre, son affranchissement de toute mode».
La poétesse américaine Louise Glück dans les années 70. (DR)
par Marie Olivier, traductrice de Louise Glück
publié le 18 octobre 2023 à 17h42

Lorsque j’ai quitté l’Amérique en 2006, après une année de master à l’université de Berkeley, Robert Hass, poète lauréat des Etats-Unis, m’avait prise sous son aile – au même titre que tous les étudiants de son atelier de traduction de poésie – et m’avait offert, avant mon départ, une pile monumentale de livres. Parmi eux, il y avait The Seven Ages de Louise Glück. Immédiatement, j’ai trouvé dans ces pages une voix qui me parlait à moi seule : «je suis éveillé ; je suis dans le monde — /Je n’attends /aucune assurance de plus. /Aucune protection, aucune promesse» («Etoiles»). Il me semblait que nous parlions la même langue. Ce sentiment ne m’a jamais quittée. Des années plus tard, la traduire aura été pour moi le prolongement naturel, l’écho de cette voix qui ne finirait pas de me hanter. J’ai ensuite découvert l’Iris sauvage et sa virtuosité lyrique, Meadowlands et son humour féroce, puis les quatre premiers recueils, au ton plus inflexible, serrés sous une couverture grenat chez Ecco, couverture aujourd’hui dépecée et presque en lambeaux dans ma bibliothèque. J’aimais ces poèmes qui, à l’époque, traversaient la verticalité de la page. J’aime la tenue et la réserve propres à son lyrisme, la lenteur mais aussi parfois la fulgurance avec laquelle ses poèmes se déploient dans l’esprit. Fin