Menu
Libération
Jeudi polar

«Hot Springs Drive» de Lindsay Hunter : quand la maison du bonheur devient celle du malheur

Dans un roman choral, qui donne la parole à tous les protagonistes de l’histoire, l’écrivaine américaine raconte comment le désir et la jalousie peuvent pulvériser deux familles entières.
(Dmitriy Fadeev/Getty Images)
publié le 17 juillet 2025 à 7h58

Retrouvez sur cette page toute l’actualité du polar et les livres qui ont tapé dans l’œil de Libé. Et abonnez-vous à la newsletter Libé Polar en cliquant ici.

C’est un drôle de thriller psychologique dans lequel on entre sans trop savoir où l’on va, décontenancé par la profusion de personnages et de voix, chaque paragraphe donnant la parole à une personne différente s’exprimant sur la maison de Hot Springs Drive, et que l’on finit en tournant frénétiquement les pages tant l’intrigue est captivante. Tout part de la maison, donc. «Elle n’avait rien demandé, cette maison. Ni ce qui s’y produisit ni ce qu’elle fut forcée de contenir – les échos qu’elle dut étouffer, le liquide gluant qu’elle dut absorber. Ce n’était qu’une maison, une collection de pièces, un espace divisé», écrit la romancière américaine Lindsey Hunter. Et pourtant dans cette collection de pièces, l’horreur va se produire.

Il faut dire d’abord que cette maison, habitée par Theresa, son mari Adam et leur fille Cecilia que l’on appelle Cece, n’est pas isolée. A ses côtés, séparée par un simple muret, se tient une autre maison, habitée par les meilleurs amis de Theresa et Adam : Jackie, son mari Nick et leurs quatre garçons, Douglas, Jayson, Nathan et Sammy. Jackie a rencontré Theresa à la maternité alors qu’elles venaient toutes deux d’accoucher, l’une de Cece, l’autre de Jayson. Elle a tout de suite été attirée par l’aura de bonheur simple qui entourait Theresa. «Un jour, son mari a apporté des ballons ; un autre une boîte de chocolats. Je l’ai regardé l’embrasser sur le front, tenir le bébé comme un bouquet de fleurs, le lui rendre. Une onde de chaleur m’a parcouru tout le corps, jusqu’aux jambes. J’ai repensé au temps où Nick ne savait pas tenir un bébé.» Jackie, elle, ne ressent qu’une immense lassitude, elle ne sait pas y faire avec les enfants, elle est foutraque, elle se sent grosse. Elle se voit comme une mauvaise mère alors que Theresa, elle, est une bonne mère. Elle rêve d’absorber un peu de la félicité de sa voisine de chambre.

Assassinée dans son garage

Quand Theresa apprend que la maison mitoyenne de la sienne se libère, elle en parle aussitôt à Jackie. Les deux femmes sont devenues les meilleures amies du monde, ce serait une façon d’être encore plus proches. Et, bien vite, les cinq enfants vont passer leur temps ensemble, surtout Nathan et Cece, amoureux fous l’un de l’autre. Douglas, lui, préfère épier Cece dans sa chambre à la nuit tombée.

Jackie va mettre du temps à perdre ses kilos en trop. Quatre enfants d’affilée, ça n’aide pas. Alors quand Theresa lui parle d’un régime miracle, elle fonce et fond. Sa nouvelle silhouette booste sa libido, elle se sent irrésistible. De fait, le mari de Theresa ne va pas résister. Son couple ronronne, il a besoin d’un peu de piment et Jackie le lui amène sur un plateau. Sauf qu’un jour où ces deux-là s’ébattent sur le canapé de sa maison à lui, Theresa revient plus tôt que prévu et les surprend. Le lendemain, on retrouvera Theresa assassinée dans son garage.

Le meurtrier se trouve bien sûr dans l’entourage proche, mais avant de découvrir son nom, on passera par toutes les réflexions, tous les souvenirs des différents protagonistes de cette histoire. Jalousie, amour, désir, infidélité : ces sentiments de la vie quotidienne sont tous passés au crible. Nous sommes dans la banlieue américaine, mais cela pourrait se dérouler n’importe où tant ces sentiments sont, heureusement ou malheureusement, universels. On est fasciné car l’on comprend comment une vie ordinaire peut déraper en un quart de seconde, comment la jalousie, l’envie peuvent pulvériser deux familles et hanter pour toujours une maison sur Hot Springs Drive.

Hot Springs Drive de Lindsay Hunter, traduit par Héloïse Esquié, Sonatine, 310 pp., 22 €.