C’est un titre comme un pardessus réversible. D’un côté, par exemple, du velours côtelé, de l’autre un imprimé écossais, et on le porte recto ou verso selon l’humeur. «Hôtes» veut dire selon le contexte ceux qui donnent l’hospitalité ou la reçoivent. Ici, dans ce premier roman écrit en français de Merete Stistrup, universitaire née au Danemark et naturalisée hexagonale, «hôtes» désignerait plutôt ceux qui sont accueillis. Plus ou moins bien, plus facilement en tout cas lorsqu’on est danois et blond comme c’est le cas de la narratrice qui ressemble fort à l’autrice. Merete Stistrup pose avec délicatesse et profondeur beaucoup de questions sur sa condition de Française d’adoption. Avec des retours en arrière vers l’enfance, des incursions dans l’inconscient grâce aux rêves et des séances de psychanalyse, des détours vers les écarts linguistiques entre le danois et le français, elle construit un personnage attachant et riche de ses différences.
«Vous êtes française» avait asséné l’employée de l’administration il y a une quinzaine d’années. Un fait établi grâce à du papier tamponné. Mais cela ne suffit pas à faire taire les incertitudes au fond de soi. Une hypersensibilité, voire de la susceptibilité quand on lui demande «Pourquoi es-tu venue ici ?». «La question agit comme un piège qui se referme sur moi, l’étrangère.» Alors il faut anticiper, porter un masque. Répondre qu’on est tombée amoureuse d’un Français est la réponse la mieux reçue. «Vous êtes ?»