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Hugues Pagan, Incendie criminel et migraines à répétition

Dans son nouveau roman, «l’Ombre portée», l’auteur du «Carré des indigents» poursuit les aventures de son héros, un flic désenchanté, triste et coléreux.
Des cadavres s’amoncellent et pourtant le roman d'Hugues Pagan reste contemplatif, comme son héros blasé et méticuleux. (Getty Images/Getty Images)
par Christine Ferniot
publié le 12 janvier 2025 à 11h38

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A l’évidence, Hugues Pagan et son double, l’inspecteur principal Claude Schneider, croient au Mal. C’est un peu le fonds de commerce du polar et le flic désenchanté n’y échappe pas. Schneider est une vieille relation. Il arborait son trench-coat en 2022 dans le Carré des indigents (Grand prix de littérature policière), mais on le croisait déjà au début des années 80 dans un roman crépusculaire, la Mort dans une voiture solitaire. Pas étonnant que ce nouvel opus, l’Ombre portée, écrit plus de quarante ans après sa première apparition, se déroule sensiblement à la même époque, Pagan s’y sent comme un poisson dans l’eau, la modernité n’est pas sa tasse de thé. Zippo cabossé, costume fatigué, son policier impassible est en ville cette nuit et tombe sur un incendie, une ancienne menuiserie qui brûle trop facilement. L’origine criminelle ne fait aucun doute et le pyromane vite arrêté est un sans-le-sou qui a obéi à un mystérieux commanditaire.

Rien que du classique mais on sait bien qu’avec Pagan l’intrigue est moins importante que l’ambiance, les lieux, les gens. Les personnages, parlons-en ! Des notables comme on dit, qui habitent de vastes propriétés sur les hauteurs de la ville, boivent du Vosne-Romanée 1952 et dont les femmes très chics se prénomment Françoise. Est-ce que vous croyez au Diable, monsieur l’inspecteur demande un certain chrétien au policier sur ses gardes. «Pas plus que ça», répond Schneider crispé. Des cadavres s’amoncellent et pourtant le roman reste contemplatif, comme son héros blasé et méticuleux. Ancien para, toujours triste et coléreux, Schneider est revenu de tout et ça ne le rend pas sympathique avec ses migraines à répétition et sa mauvaise humeur permanente. On ne cesse de répéter qu’Hugues Pagan est un styliste parce qu’il fait acte de résistance. Il aime les phrases à panache, les adjectifs de derrière les fagots, le jazz des années 50, les vieilles Alfa Roméo. Il déteste les femmes cruelles parfumées au Santal, les gominés à moustache et finit ses histoires par des expressions qu’on n’entend plus que dans les films en noir et blanc : la messe est dite. Il faut oser.

L’Ombre portée, Hugues Pagan, éditions Rivages Noir, 452pp, 22 €.