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Critique

«Humanité et numérique», le péril clics

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Fruit d’un travail collectif d’experts, l’ouvrage dirigé par la neurologue Servane Mouton recense les dégâts causés par l’hyper-utilisation des outils numériques, notamment sur la santé, et ses conséquences sur les rapports sociaux. Sans oublier la pollution industrielle générée par ces nouvelles technologies.
Dans «Humanité et numérique», Louis Forgeard, pédopsychiatre, montre les mutations déjà en acte des imaginaires sexuels chez les adolescents. (Vincent Migeat / Agence VU/Vincent Migeat / Agence VU)
publié le 26 avril 2023 à 18h32

On ne sait pas très bien où vont les humanités numériques – censées éclairer les objets des sciences humaines et sociales, de l’art ou de la philosophie, par les savoirs et les savoir-faire issus des info-sciences. Mais il serait bon de se demander ce que le numérique fait à l’humanité – au sens de ce que l’exercice physique ou la maladie font au corps. Sans doute est-il déjà trop tard, ou vain. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont apporté tant de facilités, d’opportunités, de connaissances, de nouveaux modes d’interaction, de plaisirs, que tous préfèrent prolonger la période de «jouissance» plutôt que d’envisager quelque funeste effet à venir. Le voudrait-on qu’on ne le pourrait pas de toute façon : pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, des milliards d’individus font tous la même chose, vivent dans un autre monde – et parfois y sont tellement immergés qu’ils le prennent pour le vrai – les yeux fixés sur des écrans et les doigts employés à tapoter sur un smartphone, au point de constituer une gigantesque «usine sociale» où de modernes prolétaires, esclaves de l’usage compulsif d’Internet et des réseaux sociaux, travaillent, clic après clic, post après post, à leur propre aliénation et enrichissent les géants du numérique, plus puissants que des Etats. Le problème n’est pas tant de savoir si un tel usage permet de boire à la source de toutes les connaissances ou de se salir dans l’étang glauque où grenouillent faux savoi