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Roman

Ian McEwan, le roman de Roland

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Le cahier Livres de Libédossier
Des émois sexuels aux maux de l’âge, les «Leçons» de l’auteur britannique.
Ian McEwan en 2023. (Erik Smits/Lumen. Opale)
publié le 15 décembre 2023 à 16h02

Le roman aurait pu avoir pour titre «Une vie» ou «Les vies», sous-entendu toutes celles que son personnage rêvasse souvent de n’avoir pas eues. Leçons apparaît plus moralisateur et philosophe, il évoque aussi le nœud primal : les leçons de piano avec une professeure d’une beauté corsetée, cruelle et dominatrice. Le dernier Ian McEwan déroule près de quatre décennies de l’existence de Roland Baines, pianiste prometteur et poète raté, dilettante foncier, qui se refait souvent le match mentalement. «[…] l’idée continuait à hanter Roland. Plus que cela, elle le séduisait. Tous ces itinéraires qui n’avaient pas été empruntés, encore présents et praticables. Par une déchirure dans le voile du réel il se voyait encore en pyjama, désormais quinquagénaire, menant une vie simple.»

A 11 ans, Roland a été expédié de Libye, où est basé son père militaire, pour le pensionnat de Berners Hall dans le Suffolk. L’enseignement inclut le piano avec Miriam Cornell qui le terrifie, lui inflige un jour un pinçon à l’intérieur de la cuisse, puis une autre fois un baiser. En octobre 1962, au plus fort de la crise des missiles de Cuba, après avoir souvent fantasmé sur elle, il a alors 14 ans, elle en a 25, il arrive à l’improviste devant sa maisonnette à Erwarton. Ce qui se passe entre eux pendant deux ans d’éducation érotique le marque pour l’existence comme le pinçon originel. L’été 1964, elle va jusqu’à le cloîtrer en pyjama chez elle et, à la veille de ses 16 ans, lui offre un billet