A l’instar de son narrateur, Théo, un jeune écrivain, Simon Johannin, se livre page 145 d’Ici commence un amour à un petit jeu d’«auto-sabotage». Le chapitre commence par une sorte de maxime : «Bien des choses nous sont cachées en ce monde.» L’auteur en use régulièrement, sous des formes en général moins ramassées. On continue, on admire, on plussoie. Quand arrive «Dieu a emprunté les semences aux autres mondes pour les semer ici-bas et a cultivé son jardin. Tout ce qui pouvait pousser l’a fait, mais les plantes que nous sommes ne vivent que par le sentiment de leur contact avec ces mondes mystérieux», on sent qu’un truc ne tourne pas rond, même si c’est la huitième occurrence de Dieu dans le texte. Soudain zoom arrière, on se retrouve collé au fond de son siège : «Je referme ici le volume des Frères Karamazov». On vient d’en lire un extrait pris sans guillemets dans la version Wikisource. Deux enseignements à cette blague : qu’on peut confondre l’écriture de Johannin, faite de fulgurations splendides, de prosodie classique et de pastiches cubistes avec celle d’un traducteur de Dostoïevski né en 1888. Ce n’est pas un reproche : Rimbaud ou Lautréamont remixent pareil. Ensuite, qu’on est tous dans la caverne de Platon, que la plupart des gens l’ignorent mais que quelques malheureux – dont Johannin et ses lecteurs – le savent et
Roman
«Ici commence un amour» de Simon Johannin, grimace critique
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Le cahier Livres de Libédossier
Simon Johannin à Marseille en avril 2022. (Theo Giacometti/Hans Lucas)
par Eric Loret
publié le 22 mars 2024 à 16h43
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