Les titres des romans traduits en français d’Irene Solà, née en Catalogne en 1990, disent leur aspect étrangement poético-narratif. Après Je chante et la montagne danse en 2022, voici Je t’ai donné des yeux et tu as regardé les ténèbres où la nature est encore anthropomorphe et dont les personnages principaux ne sont pas tant «Je» et «tu» que «des yeux» et surtout «les ténèbres». Premières phrases du texte : «L’obscurité était violette et mouvante, opaque, grenat et bleue à la fois, bourdonnante, mouchetée, aveugle, épaisse, profonde et brillante en même temps. Elle était infestée de vers, de branches, de tremblements, de veines, de plaques.» Quatrième phrase et suivantes : «Les ténèbres crépitaient. Elles s’agitaient, murmuraient. Elles ronflaient. Le ronflement était nasal, sourd et âpre. Il grinçait, engloutissait et s’éteignait. La source du mugissement était le lit et la bosse qui dormait au beau milieu. Une vieille femme.» Les six chapitres du roman vont d’«Aube» à «Nuit», suivant une chronologie à première vue sans accroc. Si ce n’est qu’il y en a, des morts et des mortes et des années, entre l’agonie de l’aube et la vraie morte de la nuit. C’est le lieu qui ne change pas, ce «mas» perdu dans les montagnes catalanes et qui semble un symbole du malheur. «Tant d
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Irene Solà, monts et démon
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Le cahier Livres de Libédossier
Nuit catalane. (Carlos Saez Lira/Getty Images)
par Mathieu Lindon
publié le 16 août 2024 à 14h00
Enquête Libé
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