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Rencontre

«La Grosse» d’Isabela Figueiredo, amours XXXL

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Le cahier Livres de Libédossier
Dans son dernier roman, l’écrivaine portugaise s’inspire de sa vie pour raconter celle d’une adolescente puis jeune femme dans un corps «incontrôlable», la suite de «Carnet de mémoires coloniales».
Isabel Figueiredo, en 2016, à Lisbonne. (Marisa Cardoso)
publié le 22 septembre 2023 à 12h41

«Je pense toujours comme une grosse», dit Maria Luisa, la narratrice de la Grosse. C’est quoi penser comme une grosse ? demande-t-on lors d’une rencontre à Paris avec Isabela Figueiredo. De même que son double de fiction, l’autrice portugaise a perdu 40 kilos à la suite d’une gastrectomie. «Aujourd’hui, dix ans après l’opération, les gens me regardent, ils me voient comme quelqu’un de taille normale, mais moi je me vois grosse. Quand je dois m’asseoir dans un fauteuil, ma première pensée va être : est-ce que je vais rentrer dedans ? Le traumatisme est resté. Si je pénètre dans une boutique de vêtements, je suis inquiète : vont-ils avoir ce qu’il me faut ?» A lire le roman, titré assez crûment, on voit à quel point Maria Luisa est désorientée après ce qu’elle présente comme une mutilation. Les kilos perdus sont là, tel un fantôme.

Est-ce que ce sentiment dure encore ? «Non, plus maintenant, répond Isabela Figueiredo, au début oui, il y avait cette impression. Je me souviens très bien, les dimensions de mon corps diminuaient tous les jours, c’était terrible, et la quantité de chair perdue est effectivement équivalente à une personne. Mais je tiens à souligner une autre chose : quand on est gros, c’est comme si la quantité de graisse était une armure, qu’elle protégeait nos émotions. Avec sa disparition, on devient fragile, très fragile parce qu’on ne connaît pas cette nouvelle personne amaigrie, et donc on se sent nu, exposé. On a perdu une