La romancière Jakuta Alikavazovic (1) signe la traduction de Milkman. Elle a traduit, entre autres, Ben Lerner, David Foster Wallace (à L’Olivier), Eve Babitz (Eve à Hollywood vient de paraître au Seuil) et Rosie Price (Le rouge n’est plus une couleur, Grasset).
Vous êtes-vous documentée sur le conflit en Irlande du Nord ?
Disons que je me suis rafraîchi la mémoire – même si Anna Burns a cette particularité, dans Milkman, de désigner les lieux et les forces en présence sans jamais les nommer. Le roman réussit ainsi un tour de force : il rend compte de façon très précise, avec un remarquable don d’observation et un ton tour à tour caustique, comique et poignant, de ce que fut la situation en Irlande du Nord dans ces années-là, tout en dépeignant plus largement les lignes de faille, les processus communautaires qui font que, parfois, on ne s’appartient pas ou qu’on peine à s’appartenir. C’est la force de la grande écrivaine qu’elle est : elle parle d’une époque et d’un pays donnés, et cela vient éclairer une foule d’autres situations, dont certaines, peut-être, sont plus proches de nous – je pense ici à la question des violences faites aux femmes, par exemple. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’aime tant ce roman.
Quels échos ce livre a-t-il trouvés en vous ?
Je ne connaissais pas Joëlle Losfeld personnellement lorsqu’elle m’a écrit pour me dire qu’elle me lisait et que, pour m’avoir lue, elle avait quelque chose à m’envoyer qui, cr