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Et si on prenait les fautes au pied de la lettre ? Par exemple, à quoi cela ressemblerait-il d’aller non pas chez, mais au coiffeur ? Voilà le point de départ du nouveau volume de la collection «C’est pas grammatique», orchestrée par deux pointures : Fabien Vehlmann au scénario (Seuls, Spirou, le Dernier Atlas…) et Charles Dutertre au dessin, prolifique illustrateur jeunesse. Leurs deux héros, Camille (une fille) et Abélise (une poule) (oui, une poule), ont sérieusement besoin de se faire rafraîchir la coupe. Au lieu de se rendre vulgairement chez un coiffeur, elles vont donc au coiffeur, ou plutôt au Coiffeur avec un grand C, puisqu’il s’agit d’un pays – l’occasion de rappeler aux petits lecteurs, dans un mémo en fin de livre, qu’avec «à», on indique un lieu.
«Faudra-tif-hair»
Camille et Abélise, la chevelure dans le vent («C’est vrai que j’ai l’air d’un nid de ptérodactyles», admet la première), se retrouvent confrontées à la dictature capillaire qui sévit dans ce drôle de pays, récemment rebaptisé «Coiffeuristan» et où des affichent de propagande proclament de glaçants «Faudra-tif-hair». Elles découvrent bientôt qu’un réseau de résistance œuvre en secret pour libérer les mèches. Son nom ? Le «Front de libération des touffes», évidemment.
Au-delà du propos pédagogique, qui réussit à être éduca’tif sans jamais virer dans le scol’hair, l’album de Vehlmann et Dutertre est un délice échevelé à souhait. Le scénario est vraiment drôle, l’action court à toute vitesse et ose toutes les péripéties. Le dessin quant à lui se lâche, trace des chevelures folles, des bouquets gigantesques colorés en diable. Comme si les deux auteurs avaient mis les doigts dans la prise. Résultat, «en quelques heures à peine, le dictateur est renversé» et la page envahie de circonvolutions de plus en plus joyeusement exubérantes. On en redemande.