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Jean Meckert : l’envers du paradis polynésien

Celui qui signait aussi Jean Amila a publié en 1971 «la Vierge et le taureau», faux roman d’espionnage d’un pessimisme terrible, qui vient d’être réédité par Joëlle Losfeld.
Jean Meckert veut montrer l’envers du paradis, les horreurs du colonialisme, l’illusion exotique, l’ombre des retombées radioactives. (Joël DUCANGE)
par Christine Ferniot
publié le 3 août 2025 à 8h41

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La vierge et le taureau est le dixième livre de Jean Meckert (alias Jean Amila) réédité dans la collection Arcanes de Joëlle Losfeld. Après la Marche au canon, Nous avons les mains rouges, la Lucarne, ce faux roman d’espionnage se déroule en Polynésie mais Gauguin est remplacé par Honoré, peintre de seconde zone qui vend de médiocres aquarelles aux touristes. Publiée en 1971, cette fiction est une «curiosité» comme le soulignent les deux auteurs de la préface, Stéfanie Delestré et Hervé Delouche, qui se sont engagés dans une réédition subtile des inédits et introuvables de ce formidable écrivain découvert par Raymond Queneau et André Gide.

La Vierge et le taureau est d’abord un projet du cinéaste André Cayatte. Meckert et Cayatte ont travaillé ensemble sur Nous sommes tous des assassins et Justice est faite mais cette fois, il s’agit de partir en repérage du côté de la Polynésie. Cependant, rien à voir avec un voyage de rêve. Jean Meckert revient de cette expérience avec l’envie d’en découdre, il veut montrer l’envers du paradis, les horreurs du colonialisme, l’illusion exotique, l’ombre des retombées radioactives que les officiels cachent soigneusement. «Mais ce n’était pas suffisant pour les immondes “chercheurs” militaires. Quoi de plus excitant que d’infecter les populations à l’aide de bactéries cultivées et ingénieusement distribuées…»

Sans oublier une impossible histoire d’amour entre un artiste du dimanche et une reine du grand écran. Tahiti devient peu à peu un lieu maudit et le roman, une histoire sordide et mensongère. La Vierge et le taureau est d’un pessimisme terrible. On y reconnaît l’écriture bouleversante et l’indignation de l’auteur des Coups. Jamais poseur, toujours engagé, enragé.

La Vierge et le taureau, Jean Meckert, éditions Joëlle Losfeld, collection Arcanes, 350p., 18 €