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Jean Michelin, officier de l’armée de terre et écrivain, a lu «l’Agneau des neiges»

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Chaque semaine, une lectrice ou un lecteur chronique un coup de cœur littéraire. Cette semaine, un conte triste, parfois cruel, qui semble embrasser la Russie tout entière dans ses filets narratifs.
Russie, péninsule de Kola, Oumba, 2007. (Davide Monteleone / Agence VU/VU)
par Jean Michelin, officier de l'armée de terre et écrivain
publié le 20 mars 2022 à 2h28

Il faut toujours se méfier des gens qui brandissent promptement la notion d’âme russe, un concept éculé qui sert surtout à mettre en mots nos propres fantasmes d’Européens sur l’immensité de l’espace, sur ses contradictions et sur la singulière et tragique histoire de ses peuples. Et pourtant, c’est le premier mot qui vient à l’esprit quand on se demande comment parler de l’Agneau des neiges, conte triste, parfois cruel et pourtant d’une grande douceur qui semble embrasser la Russie tout entière dans ses filets narratifs.

Dimitri Bortnikov a appris le français tardivement et alors qu’il était déjà un auteur confirmé et reconnu dans sa langue maternelle. Peut-être est-ce pour cela que le russe est partout dans ses phrases, dans la façon qu’il a de juxtaposer les adjectifs, de marier les verbes et de faire sonner chacune de ses lignes comme les vers d’un immense poème en prose. Cette langue étrange et chantante donne toute son ampleur au texte, qui peint un sourire étrange sur les notes de la tragédie.

L’histoire est celle de Maria, une jeune infirme simple d’esprit née au bord de la mer Blanche et ballottée aux vents de l’histoire entre la révolution russe, la famine des années 30 et le siège de Leningrad. Mais l’histoire, au fond, importe peu. Ce qui importe, c’est la douceur de la voix de Serafima, la veuve devenue mère adoptive, quand elle sait qu’elle va mourir, c’est l’image des orphelins jouant dans un froid de cristal, c’est le rythme de la faim qui se confond ave