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Lundi poésie

Jean-Philippe Cazier, Claude Favre et Frank Smith, la poésie comme cause commune

Poésiedossier
Dans «C’est ce que l’on désire», recueil à trois voix, les poètes cherchent dans les échos de leur écriture imbriquée une langue partagée qui donne à voir un autre monde.
De gauche à droite : Frank Smith, Claude Favre et Jean-Philippe Cazier. (Philippe Grollier. Jean-Marc de Samie /DR. Effets Libération)
publié le 9 décembre 2024 à 11h37

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Tous les trois sont poètes. Le premier est, également, critique, corédacteur en chef de la revue littéraire Diacritik. La deuxième est performeuse et le troisième, vidéaste-plasticien et ancien producteur de radio. Mais, surtout, Jean-Philippe Cazier, Claude Favre et Frank Smith, forment dans leur recueil à six mains, C’est ce que l’on désire, aux éditions LansKine, un chœur indistinct en quête d’une langue rêvée. Autrement dit, trois voix qui, unies, entremêlées et imbriquées, cherchent ce qui dans l’écriture poétique et ses ramifications peut faire cause commune, peut trouver des échos partagés.

«La versification du monde la /Littérature de la Terre /Ou rien», résume en d’autres termes le trio, qui poursuit la tentative collective amorcée sur la place politique du corps dans Vingt-quatre états du corps par seconde, par la paire Cazier-Smith. Successions de fragments dans une prose elle-même fragmentaire (vers économes souvent très brefs), la proposition, qui se veut performative, avance à tâtons dans ses propres errances et murmurations – «amas» de mots, «samplings» et «aphorismes» – jusqu’à faire jaillir «une langue qui n’existe pas encore», comme si le poème faisait advenir un vœu dans un rythme qui relève de l’écoulement. Du genre : «Une poésie qui serait créer /Le ciel l’écroulement du ciel la /Destruction du monde.» Cela pose aussi la recherche d’une langue vivante – dans le sens où elle est pleine d’une vitalité nouvelle – et sensible, car elle fait preuve de vulnérabilité, mais absolument pas textualiste ou formelle, comme un acte de résistance.

C’est ce que l’on désire de Jean-Philippe Cazier, Claude Favre et Frank Smith, éd. LansKine, 144 pp., 12 euros.

L’extrait

On dit la poésie est ceci ou

Cela on dit la poésie c’est la

Poésie ne sait rien elle fait

Défait et dit tout ce que l’on peut dire

Tout ce que l’on ne peut pas dire la

Poésie a plus de questions que de

Réponses est le nom de l’ignorance un

Analphabétisme profond la

Poésie est un fait est une

Dislocation des faits une

Dislocation de la poésie c’est

Ce que l’on désire


Un désir d’infractions au code

Capitaliste ambiant